Stand de tir

==> Cave

Les deux hybrides arrivèrent dans une salle de tir vide, à leur grand soulagement. Cette dernière était assez grande, comportait 6 stands cote à cote et était emplit d’un barda impressionnant d’armes. Eden se sentait toute petite dans ce lieu assez inhabituel pour elle…

- Pas mal non ? Tu verras, le Red IX est une arme puissante et relativement simple à utiliser… d’ici quelques heures, tu devrais être capable de contenir totalement le recul et de tirer sur une grande cible peu éloignée !

La jeune hybride hocha la tête, regardant avec anxiété son arme solidement fixée au bras droit… elle voulait réussir. Elle voulait à tout prix apprendre à au moins savoir tirer une balle même si elle savait que ça ne servirait pas à grand chose face à quelqu’un ayant des pouvoirs magiques. Au moins, ça lui donnerait l’impression de ne pas n’être qu’une potiche incapable de quoique ce soit…
Yacha lui expliqua rapidement le fonctionnement de l’arme avant de lui montrer quelle position prendre avant de tirer. Il lui donna également quelques conseils pour ne pas subir trop violemment le recul avant de la laisser faire…
Eden tremblait affreusement, autant de la main que des jambes, puis se décida à presser la gâchette. Elle dût reculer pour ne pas se faire mal à cause du recul effarant… la vache ! C’était vraiment pas simple !

- ( mort de rire ) je t’avais prévenu pour le recul !

- …

Elle baissa la tête, larmes aux yeux : elle n’allait jamais pouvoir contenir ça… alors même les armes à feu lui étaient hors de portée ? Elle était donc si minable que ça ?

- Bwhé ? Fais pas cette tête… c’est normal tu sais ! J’ai eu le même réflexe que toi lors de mes premiers tirs…

L’hybride releva une tête toute penaude et triste avant d’hocher de la tête et de continuer à s’entraîner à tirer…
C’était long, c’était dur et en plus ça faisait très mal à l’avant bras.
Cependant, quand elle atteignit pour la première fois sa cible sans reculer, je ne vous raconte pas le sourire qui se dessina sur ses lèvres…

- Ca s’améliore !

Voilà près de 4 heures que les deux hybrides étaient au stand de tir à s’entraîner sans relâche : Eden parvenait maintenant à tirer des balles peu puissantes tout en contenant le recul et savait toucher une cible peu éloignée. C’était déjà très bien de son point de vue, et les encouragements de Yacha ne faisaient que la motiver…

- Bien ! Passons maintenant à des munitions nettement plus puissantes… fais gaffe, là le recul va être sec !

Eden hocha de la tête et prit le chargeur que lui présentait son ami puis l’inséra dans la crosse du Red IX avant de viser la cible et de presser la détente…
Le recul fut tel qu’elle balla littéralement en arrière, s’écrasant sans aucune délicatesse sur le sol, les yeux hagards et les mèches de cheveux lui barrant la vue. Yacha l’aida alors à se relever, se retenant de rire devant la scène peu commune qui s’était présentée sous ses yeux, avant de stopper net en voyant la réaction de sa jeune élève :
Cette dernière avait la main crispée sur son arme, les larmes aux yeux et les épaules tremblantes. Elle détacha la crosse du Red IX qu’elle claqua par terre avant de se recroqueviller et de se prendre la tête dans les mains, tout en explosant en gros sanglots. Yacha ne savait absolument plus quoi faire !

- Mais ? Mais Eden ?! Pourquoi tu pleures c’est normal ! C’était ton premier tir très puissant !

- ( sa voix est secouée de gros hoquets ) J’y arriverai jamais ! Vagem avait raison, j’arriverai jamais à utiliser une arme !

- Rohlàlà…

L’hybride s’agenouilla à côté de la femme-enfant et lui ébouriffa les cheveux : il n’était pas du tout habitué à ce genre de chose… voilà qui ne lui donnait guère envie de rencontrer une fille XD. Si chaque engueulade finissait comme ça alors ça ne devait pas être terrible…il repensa alors à sa conversation avec le jeune Al'Kaliel.

- Il doit me détester ! Me haïr terriblement ! Je l’ai frappé si fort… tout ça à cause de cette…cette…-censuré- d’ange !

- Dis… c’est qu’une supposition mais il ne t’est pas venu à l’idée que c’était un quiproquo ?!

Elle planta son regard gris sans celui de son ami pour répondre de sa voix si triste :

- Même si c’était ça, y a… y a pleins de choses qui vont pas ! Je suis obligée de lui mentir toujours…tous les jours ! J’en peux plus… j’voudrais tellement le revoir et que ça cesse en même temps !!

- Pourquoi tu ne lui en parles pas hum ?!

Les yeux d’Eden s’écarquillèrent pour devenir démesurément grands : comment pouvait-il dire ça alors que la situation était si complexe ?!!!

- Tu…tu imagines la cruauté de la chose ?! « Oui Vagem j’ai quelque chose à te dire, tu vas bien rire ! On est des faux-jumeaux ! Si si et c’est toi l’aîné ! C’est Wilcom lui-même qui me l’a dit et, pour preuve, nous avons la même tâche de naissance sur l’épaule ! ». Il … là c’est sûr qu’il me fuirait à jamais…

- Comment le sais-tu ?! Si vous vous aimez vraiment, qu’est ce que ça peut faire ?!

- Ca c’est la réponse des gens qui ne savent pas ! ( elle ré-éclate en gros sanglots ). Moi ça me dérange pas mais lui est-ce que tu crois qu'il aura encore envie d'aimer sa soeur de la sorte ?! Et puis de toute manière, à l'heure qu'il est, il doit me maudir !

Yacha s’assit en face d’elle et essaya de la consoler au moyen de paroles réconfortantes. Ils avaient encore quelques heures à tuer ici mais pour qu’elles soient fructueuses, il fallait absolument que la demoiselle se calme ce qui ne semblait pas gagné…

Deux semaines s’étaient écoulées depuis sa fuite des hangars : 15 jours interminables pour Eden qui se déroulaient toujours de la même façon… autrement dit, qui commençaient par du tir et se finissaient également par du tir. Etrangement, elle n’était pas parvenue à s’accommoder à sa nouvelle « vie » : il ne se passait pas une nuit sans qu’elle cauchemarde tout en cherchant désespérément la présence de son frère à ses côtés ( et dieu sait que même Yacha avait un mal fou à la calmer dans ce cas là ). Il ne se passait également pas une journée sans qu’elle aille traîner quelques minutes autour du passeur, hésitant à le reprendre…pour finalement rebrousser chemin, le cœur triste et lourd.

Le petit groupe d’hybride avait quitté la cave du restaurant pour s’installer dans celle du gymnase, sous ordre de Yacha : ce dernier savait bien que Vagem traînait dans les parages, aussi il avait décidé d’augmenter les chances de rencontre des jumeaux en obligeant Eden à rester sur place 24H24. Il y croyait encore malgré deux semaines de silence, se disant que le jeune homme devait sûrement réfléchir quant à la démarche à adopter. De plus, d’un autre côté, il avait ainsi à sa disposition toutes les armes nécessaires pour former son amie… formation qui, d’ailleurs, avait commenté à porter ses fruits.

Eden savait à présent tirer sans trop de problème avec son Red IX sur des cibles mouvantes, et ce sans subir le recul, et s’était également essayée à une nouvelle arme qui lui plaisait énormément : un fusil longue portée. Elle s’était révélée être très précise avec ce genre d’outil dans les mains aussi, grâce à l’entraînement de Yacha, elle était à présent capable de tirer sur une cible fixe à environ 300mètres d’elle sans trop de soucis. Elle était d’ailleurs très fière d’avoir un présent un minimum de self-défense, et cela semblait avoir changé un peu son comportement : elle pleurait moins qu’avait, ou du moins elle s’abstenait de pleurer en public. Elle avait également un peu moins peur des armes en tout genre… ceci dit, la vue d’un ange la terrorisait encore à un point inimaginable.

- Eden ?! Tu peux ramener les cartons de droite qu’on trie ?! Avec ce manque de place, on est bien obligé de jeter des trucs !

- Okay…

Aujourd’hui était un jour plutôt particulier puisque Cybèle avait invité l’une de ses amies hybrides à vivre avec eux, ce qui faisait qu’ils devaient ranger pas mal de chose : la jeune fille prit le carton dans ses bras mais butta malencontreusement contre un ballon, s’écrasant ainsi un mètre plus loin dans un mélange de poussière. Yacha éclata d’un franc rire et l’aida à se relever puis s’abaissa pour ranger un peu ce qui s’était déversé du carton… pour tomber sur un vieil album de cuir vieilli, couvert de poussière.

- Tiens ? C’est quoi ça ?!!

Le regard d’Eden s’illumina alors : son album photo ! Ca alors, elle était pourtant certaine de l’avoir perdue… il dormait donc en réalité bien tranquillement dans ce vieux carton ? Voilà qui était une bien bonne nouvelle ! Elle s’en empara doucement, caressa la vieille couverture et répondit, de son ton candide :

- Mon album photo ! Je pensais l’avoir perdu ! ( elle sourit ). Tu ne l’as jamais vu n’est ce pas ?!!!

La jeune fille s’approcha de Yacha et s’assit à ses côtés, tout en ouvrant l’épais volume afin de lui montrer une jeune femme de petite taille et aux longs cheveux dans les tons parme/gris : ses yeux brillaient d’une lueur folle et ses dents, proéminentes, lui donnaient un petit aspect effrayant mais elle n’en était pas moins assez jolie.

- C’est ma mère ^^ alors que je n’étais encore qu’un petit bébé ! Et l’homme qu’on voit au loin derrière est le démon qui l’hébergeait en cachette. Nous habitions dans un village- nommé Elmut Mar- où les hybrides étaient accueillis comme des citoyens à part entière. Cependant, eux et leur famille devaient rester cachés dans les caves jusqu’à la tombée de la nuit… pour la sécurité du village tout entier…

Elle tourna la page et tomba en arrêt sur une photographie en sépia : elle devait avoir peut-être 20 ou 30 ans et posait à côté d’une petite fille d’également son âge, qui avait également une aile démoniaque à gauche. Son sourire se fit encore plus doux et les souvenirs plus précis :

- Cette fille s’appelait Asmodée, et était une de mes meilleures amies. Nous faisons toujours tourner en bourrique nos parents et fuguions souvent malgré les interdictions. Elle était d’une grande générosité, et aurait donné sa vie pour ses amis… ( sa gorge se noue ). Contrairement à moi, elle n’a pu s’échapper vivante de la rafle qui extermina le village…

Les cris et l’odeur de sang lui revinrent instantanément en tête, ainsi que nombre de souvenirs ancrés en elle mais qui sommeillaient depuis des décennies. Elle revoyait sa mère, si douce et impulsive, en train de la bercer les soirs d’orage qui la terrorisaient. Elle revoyait également le couple qui les hébergeait : le mari, si imposant et effrayant physiquement mais d’une gentillesse sans borne et sa femme, d’une rigueur et d’une sécheresse terrible mais au cœur gros comme un camion. Tant de choses…

- ( Elle montre une photo de groupe ) Celle là, c’est la photo annuelle qui présente tous les hybrides présents à Elmut Mar !

- Héhé ! Tu étais haute comme trois pommes !

- Oui ^^ elle a été prise l’année de l’attaque du village… c’est l’une des dernières fois où nous avons été tous réunis…

- Tu te souviens… comment c’était cette rafle ?

Eden se tourna vers Yacha, un pâle sourire sur les lèvres, et caressa du bout des doigts le visage de papier de sa mère : O oui, elle ne s’en souvenait que trop bien pour tout dire. Le sang, les cris, les larmes, la peur… tant de choses qui l’avait marqué aussi bien que l’aurait fait un fer chauffé.

- C’était pendant la nuit… j’étais en train de dormir quand un grand bruit sourd m’a fait sursauter, comparable à celui d’une épée s’abattant sur une planche de bois. Je suis allée voir ma mère en lui expliquant qu’une bête essayait d’entrer – j’étais certaine que là était l’origine de ce que j’avais entendu- aussi elle est allée voir par le judas. Je l’ai entendu crier d’un coup et elle est revenue vers moi en courant , le visage défait et le visage légèrement égratigné au niveau de l’œil. Elle m’a pris dans ses bras, s’est emparée d’une épée et s’est enfuie par la porte de derrière, sans prendre davantage de chose. Nous sommes alors arrivées sur la place du village et…

Une fois encore sa voix se noua, et son teint se fit plus sombre : ses mains tremblaient imperceptiblement, traduisant la peur qu’elle avait pu ressentir à cet instant…
…peur qu’elle n’avait jamais réussi à évacuer d’ailleurs…

- …il y avait des cadavres partout. C’est indescriptible… femmes, enfants et vieillards : Même eux avaient été massacrés. La grande majorité d’entre eux étaient les habitants du village qui nous cachaient. Les anges essayaient de tuer le moins d’hybrides – et membres de leur famille- possibles afin de les parquer dans des immenses cages pendant des jours entiers en attendant d’avoir assez de personne pour l’une de leur macabre cérémonie. Je m’en souviens encore… nous étions serrés comme je ne sais trop quoi et avions de faibles rations alimentaires… ma mère se serrait la ceinture pour me donner plus à manger. Puis, au bout d’une interminable semaine, ils ont commencé les préparatifs… quand ça a été terminé, ils ont pris un petit hybride par les épaules et l’ont forcé à descendre. C’était mon frère, Vagem, et ils ont commencé à le… le torturer. Oui c’est le mot… le torturer…

Elle commença à trembler en se remémorant la scène : les anges plantaient leur épée dans l’aile unique de son aîné et riaient de ses pleurs et de ses cris contenus. Si jeune et déjà si fier, il essayait absolument de cacher sa douleur…

- C’est alors que son – enfin notre- père est sortit en trombe de la cage et s’est jeté sur les agresseurs, ainsi que notre mère… ils se sont fait tout les deux tuer sous nos yeux, sans que nous puissions faire quoique ce soit… puis ils se sont attaqués au reste des hybrides ( elle frissonne ). Je me souviens qu’une femme ange m’a pris par le bras et m’a attaché par l’aile à une barrière, si bien que je ne pouvais m’enfuir. Elle a ensuite commencé à me frapper avec son épée … agh ça faisait si mal nom de dieu ! Je crois que j’en serai morte si à ce moment là, Vagem n’était pas parvenu à leur filer entre les doigts… ils ont détourné leur attention aussi, en me tordant l’aile, j’ai réussi à me défaire de la corde et à détaler jusqu’au passeur… voilà, c’est tout…

Mais c’était bien assez pour son petit cœur, elle en était plus que certaine : le simple fait de se souvenir de cet événement si terrible le lui labourait aussi sûrement que l’aurait fait un râteau… et puis, en parlant de Vagem ainsi, elle ne pouvait s’empêcher de penser à leur récente dispute. Ah qu’il lui manquait ! Sa présence, ses bras, son odeur rassurante…tant de choses auxquelles elle s’était habituée et qui lui manquaient cruellement. Dans un sens, elle regrettait très amèrement sa conduite : il lui était si cher qu’en y réfléchissant bien, peut-être qu’elle aurait fermé les yeux quant à son amie ange… cependant, elle n’avait pas supporté cette énième démonstration de sa faiblesse et son infériorité sur tous les points. Elle avait également de plus en plus de mal à taire son secret, pour ne pas dire que ça commençait à lui devenir insupportable.

- J’ai couru, couru à en perdre haleine… et finalement je me suis écroulée non loin du passeur, totalement épuisée. Quand je me suis réveillée, j’étais au niveau 0, sur une paillasse, en compagnie d’un hybride plus vieux que moi qui m’avait trouvée inanimé non loin du passeur. Le reste tu le sais puisque c’est lui qui nous a mis en contact…

- Oui je me souviens… nous étions tout petit à cette époque. Mais déjà si en colère contre cette ingrate société ( il la prend contre lui pour la câliner en toute pudeur ! XD ). Moi ça a pas été vraiment comme ça… c’est une humaine qui m’a trouvé alors que j’étais un marmot de quelques années, abandonné dans la rue comme une poubelle. Elle a d’abord été étonné par mon aile mais m’a finalement recueillie et élevé du mieux qu’elle le pouvait. Cependant, étonnée de voir que je ne grandissais pas, elle a finit par en parler à un médecin et y’a eut des fuites : des démons sont venus la tuer et ont voulu faire de même avec moi. C’est à ce moment qu’est intervenu Kurst, un chasseur qui m’a sauvé la vie et confié à une petite communauté hybride. J’ai grandi dedans jusqu’à ce qu’elle soit démantelée et qu’on se rencontre…

- Oh…

Elle resta appuyée tout contre l’épaule de celui qu’elle qualifiait de « sempaï », les yeux à demi-clos puisque savourant ce petit moment de tendresse… tendresse qui lui manquait affreusement. Elle aurait tant aimé être capable de manipuler le temps à sa guise afin de remontrer jusqu’à ce maudit coup de sang…

- C’est drôle… en deux semaines, on s’est plus parlé qu’en 95 ans de coexistence…

- Oui mais il faut dire aussi qu’avant tu n’ouvrais pas la bouche. Ton frère t’a quand même sacrément changé même si ce petit cœur si fragile est resté le même !

- Oui…

- Remarque je vous comprendrai jamais ! Soyez heureux, ne vous mettez JAMAIS ensemble ! XD. Regarde comme le célibat me réussit !

Ils éclatèrent de rire en cœur… ah ! C’était vraiment bon de pouvoir à nouveau s’exprimer ainsi…

Deux semaines...
Déjà deux semaines de passées depuis qu'il avait entendu les mots d'Eden dans le Gymnase : « Oui Vagem j’ai quelque chose à te dire, tu vas bien rire ! On est des faux-jumeaux ! Si si et c’est toi l’aîné ! C’est Wilcom lui-même qui me l’a dit et, pour preuve, nous avons la même tâche de naissance sur l’épaule ! »...

Après la recontre avec Yacha sur la plage, il s'était dirigé vers le gymnase. Passant par les toits, il s'était installé à une fenêtre de la salle de tir, en hauteur. Adossé à la pierre, arrosé de soleil, il avait écouté les deux hybrides s'entraîner et parler, tout en réfléchissant à ce qu'il devrait dire, ou faire...

Et puis la phrase était tombé.
Au début, il s'était persuadé qu'il avait mal entendu, mais les restes des paroles échangées l'avaient confirmer dans le contraire.

Alors avait commencer une longue mise en abîme...
Plus silencieux que jamais, il avait passé de longues heures seul sur la plage, à réfléchir, à essayer d'accepter ce qu'il avait entendu. Tantôt assit, tantôt à s'entraîner, souvent à écouter les entraînement d'Eden et de Yacha. Mais toujours invisible, distant.

Il ne pouvait s'empêcher de revenir chaque jour, même si cela le tuait doucement. Car, même si elle était sa soeur, il aimait profondément Eden. Il ne pouvait imaginer la vie sans elle.
Lentement, il avait découvert le rythme de vie des Hybrides, leur nouveau lieu de résidences, leurs habitudes, leurs noms et leurs relations. Tel une âme en peine, il ne cessait d'errer autour du gymnase, ne sachant que faire.
De par son père, il savait que l'inceste était quelque chose d'horrible, mais plus que cela, c'était ce qu'aurait pensé Kaliel de tout ça qui le mettait très, très mal à l'aise.

Assit sur son toit, les jambes remontées contre le torse et cerclées de ses bras, il avait passé ces longues heures d'entraînement à méditer, sans toute fois parvenir à une réponse quelconque.
A chaque fois c'était la même impasse : son amour pour Eden contre les tradition profondément ancrées en lui...

Ce jour là, le récit que fit Eden à Yacha de la raffle fit remonter nombre de souvenirs en lui.
Sa vie avant, avec son père. Le regard mélancolique de ce dernier. Les joies, les peines, cette impression de vide lorsqu'il voyait des frères et soeurs... et puis la raffle. La manière dont ont les avait capturé, le traîtement subit par son père. La rage. La peur. Ces cage minuscules où ils étaient entassés. Et puis le moment où....
Son aile claqua brusquement dans le vent, comme pour chasser les images qui arrivaient. Il ne voullait pas y penser, plus jamais !

Cependant, tout cela avait fait remonter une chose en lui, quelque chose qui lui avait pesé durant une grande partie de sa vie.
Ce vide terrible qui ne s'était comblé qu'à l'arrivée d'Eden...

Doucement il se laissa tomber dans la salle et se réceptionna sans faire de bruit, dans les gradins surplombant le stand de tir. Il lui fallait passer par là s'il voullait rejoindre la cave sans se faire griller tout de suite...
Sans faire de bruit, il descendit dans les sous-sols du gymnase et, par chance, ne rencontra personne.
Apparement, à part Eden et Yacha, tous les autres étaient sortit.

Hésitant, il se mit dans l'encadrement de la porte et appella d'un voix incertaine :

- Eden ?...

Ils étaient en train de graisser leurs armes à feu tout en parlant théorie quand une petite voix tremblante se fit entendre non loin de la porte. Eden se figea sur l’instant, ne la reconnaissant que trop bien, partagée entre une terreur sans nom et une joie au moins aussi intense… et il lui fallut bien 30 secondes voir 1 minute pour oser se retourner !

- .. Vag’ ?

La jeune hybride changea littéralement de couleur pendant que Yacha jubilait dans son coin : il tendit faussement l’oreille vers l’extérieur et lâcha d’un ton exagérement désolé « Oh ! Cybèle m’appelle, je suis désolé mais je dois vous laisser ! » avant de sortir de la pièce tout en encourageant le jeune garçon d’un clin d’œil. Ils allaient enfin discuter !
Eden posa son Red IX d’une main tremblante à terre, les yeux rivés sur le dallage sans savoir quoi faire : depuis quand était-il là ? L’avait-il entendu parler de la rafle ?! L’avait-il entendu parler de leur…parenté ?!
Glup… si tel était le cas, elle n’avait plus qu’à se tirer dans la tête et ce fissa !

- Je…tu…euh… tu vas bien ? Et que fais-tu ici… comment as-tu su que…j’étais là… ?

Elle se releva brusquement pour se déplacer jusqu’à la plaque chauffante afin de s’occuper un peu les mains dans le but de tromper sa nervosité : elle laissa d’abord tomber les tasses, puis se brûla avec l’eau avant de comprendre qu’elle devait abandonner faute d’être assez zen pour manipuler quelque chose…

- Je… tes blessures… ça va mieux ?

Son regard violet glissa jusqu’au front et à la lèvre de Vagem qui, bien que cicatrisé, portaient encore une légère marque due à sa crise de nerf au balai. Elle revint s’asseoir en soufflant sur son avant bras, très gênée, avant d’oser aborder le sujet d’une voix fluette teintée de regrets et de tristesse :

- Je suis désolée… j’aurai dû… enfin… me contrôler. Après tout tu es assez grand pour faire ce que tu veux …

Elle ne savait pas trop si elle entrait en la matière de la bonne manière mais n’avait pas d’autres idées : les larmes lui revinrent doucement aux yeux à la seule vision de Malyce à califourchon sur son frère – oh oui, elle n’oubliait jamais rien- et ne tardèrent d’ailleurs pas à couler le long de ses joues salies par la poudre d’arme à feu. Elle les essuya furtivement mais de nouvelles n’eurent aucun mal à remplacer les anciennes…

- ( hoquet ) Suis désolée. C’est venu comme ça, d’un coup… pardon Vag’…

Ses mains tremblèrent au moins autant que ses épaules : elle s’en voulait mortellement de s’être laissée aller à ces pulsions violentes, plus que mortellement même. Dans sa petite tête, elle était persuadée d’avoir tout brisé par sa seule colère…
… et que dire de ce qu’elle aurait pensé si elle avait sur que Vagem connaissait à présent très bien leur secret de naissance !