Grotte, combat Frigide/Piaf plumé. PRIVE (sauf exceptions)

Ce ne fut qu’en arrivant devant la grotte que Frigan prit conscience de ce qui l’attendait. Le glissement furtif des portes du Passeur résonnait encore à ses oreilles. Une fois au niveau 0, l’aura de l’Ange l’avait frappé de plein fouet et, à présent, il pouvait même sentir son odeur qui lui inspirait un mélange de dégoût et d’attrait sanguinaire. Il était dans un état second, comme en transe. Leurs deux auras se frôlaient et il sut que l’Ange l’attendait.

« Occupez-vous des anges. Je me charge de Hua Mei. »

Il ne prit même pas la peine de jeter un regard à ses compagnons no de leur dire d’être sans pitié. Sa voix, froide et atone, contrastait avec son bouillonnement intérieur. Son regard ne reflétait qu’un vide immense mais sa température avait grimpé de plusieurs degrés durant le trajet et son cœur s’était mis à battre frénétiquement.
Il marqua une pause à l’entrée. Abîmant son regard son regard dans la pénombre.
Le visage de son père revint le hanter un instant mais il le chassa. Il avait réussit là où IL avait échoué. Il allait combattre Hua Mei …
Il s’engagea dans le couloir sombre de la roche d’un pas assuré et sa peau frémit à peine au contact de l’air froid. Il ne ressentait plus rien d’autre que l’appel sourd de l’Ange.
Il allait le vaincre. Triompher et unifier les trois niveaux sous son joug. Il deviendrait surpuissant, l’unique Maître incontestable et incontesté d’un Empire dont il allait restaurer la grandeur. Plus rien ne pouvait l’arrêter. Et surtout pas un insecte à plumes …

Frigan n’était pas stupide et il savait que son désir relevait plus de l’utopie que de la réalité. Mais il fallait absolument qu’il chasse cette étrange impression qui lui broyait les entrailles et qui ressemblait fort à de l’appréhension …
Enfin, il aperçut la lumière blafarde des torches et, au détour d’un coude, il déboucha à l’intérieur de la cavité principale de la grotte. Un espace vaste et aéré. Idéal pour un combat. Il ne savait pas si d’autres démons le suivaient et cela n’avait aucune importance. Il n’avait eu conscience que de ses propres pas et de cette odeur, écœurante, entêtante. Attirante.
Il ne s’arrêta pas et avança, droit comme un « I », le port altier, la démarche sûre, le regard confiant.
Il ne pouvait détacher son regard de son ennemi.
Il ne se rendait pas compte du nombre d’anges autour de lui, rien n’avait d’importance. Juste cette silhouette. De toutes façons, personne n’oserait l’attaquer. Personne n’en avait la force. Il y avait juste … Lui.

Il s’arrêta à quelques mètres de Hua Mei et le dévisagea longuement.
Un corps fin aux muscles saillants, des hanches étroites, des épaules larges mais un torse fin. De très longues jambes, bien campées au sol, de grandes mains aux doigts effilés. Malgré lui, Frigan se sentir frémir et une pointe de désir s’insinua en lui lorsqu’il s’attarda sur les lèvres de l’Ange.
Cela ne l’aurait dérangé pour aucun démon. Mais là, il s’agissait de son pire ennemi et cette idée lui retournait le cœur.
Il finit par fixer ses yeux dans le regard clair et un sourire carnassier apparut sur ses lèvres.
Il ne perdrait pas de temps en vaines palabres et il se sentait déchirer entre son calme apparent et l’excitation du combat.

Un dôme d’énergie de forma autour d’eux, infranchissable et dur comme la pierre, barrière impénétrable entre eux et les autres.
Si son ennemi était loyal, il puiserait aussi dans son propre pouvoir pour soutenir le champ d’énergie.
Personne ne viendrait les déranger … A la fin, un des deux corps reposeraient sur le sol. Inerte.

Néanmoins, malgré son assurance et sa force, Frigan était un tout jeune Seigneur et il manquait encore d’expérience … Aussi attaqua-t-il le premier. Et pas n’importe comment …
Une bourrasque violente s’échappa de son corps et se rua vers son adversaire. Dans sa fierté, le démon avait attaqué l’ange sur son propre domaine, comme pour lui prouver sa puissance.
Sauf que Hua Mei n’était pas aussi inexpérimenté que lui …
Il maîtrisa le vent comme un tigre materait un chaton et le renvoya avec une telle violence que Frigan fut projeter contre la paroi du dôme qu’il heurta à mi-hauteur.
Son corps glissa à terre et il grimaça avant de se relever avec une rapidité déconcertante, infligeant un effort douloureux à ses muscles. Il serra les poings puis sourit et passa une main dans ses cheveux déjà collés par la sueur.

« Je me suis trompé. Mais je ne fais jamais deux fois la même erreur … »

Les boules de feu jaillirent de ses paumes et il déchargea sa fureur brûlante sur l’Ange tandis que, sous les pieds de son adversaire, la terre se craquelait comme pour mieux l’engloutir …

Etrange acte que la respiration.
Inspiration... prendre tout l'air qui nous entoure, s'oxygéner au possible. Faire battre son coeur, lentement, l'air respiré arrive...
Expiration... comme le dernier souffle, oui. Lentement, l'air réchauffé par le corps est expulsé. Toutes les choses dont le corps ne veut plus, toutes, sont rejetées.

Hua Mei respirait. En toute logique, me diriez-vous. Mais il respirait, lentement, prenant tout l'air qu'il pouvait à chaque inspiration. Et l'expiration était tout aussi lente... il respirait par la bouche. Lentement, il l'entrouvrait, la refermait l'espace d'un instant, et à nouveau, les lèvres se séparaient... et de plus en plus lentement, alors que son rythme cardiaque s'accélérait.
Il approchait. Il le sentait. Son aura si particulière, si ressemblante à celle de son père, elle arrivait, lentement. Elle remontait... dès maintenant. Accompagnée d'autres démons. Pourquoi venait-il si vite ? Ils n'étaient encore que deux ! Ce n'étaient pas assez...
Mais ils n'y pouvaient rien contre. Ils approchaient, lentement... Hua Mei Le vit arriver. Sa vue le répugnait... plus exactement, le mortifiait. Ils étaient tous les mêmes, ces démons... tous cruels.
Frigan le regardait sinistrement. Il l'inspectait dans les moindres détails, comme un bétail que l'on va finir par abattre... Hua Mei lui offrit un regard placide, qu'il voulait sans expression.
Frigan avait un certain charisme. Un charisme qui attirait tous les démons, et repoussait tous les anges. Quelque chose en soi de fantastique, comme un aimant... son souffle était puissant, ses muscles saillants étaient à peine voilés par sa chemise volante.
Frigan pouvait tout simplement être qualifié de beau. Beau par le physique, évidemment. Par le mental, cet être répugnait le chef des anges.

Il s'approcha. Ils ne dirent aucun mot. Le combat était inévitable, et c'était tout. Ils le savaient tous les deux. Frigan construisit, seul, un dôme d'énergie. Hua Mei ne l'y aida pas. A quoi bon perdre son énergie ainsi ?... Toutes ces choses, toute cette honnêteté inutile, il les avait laissées dans son passé. Pourquoi construire un dôme ? Personne n'aurait osé les déranger. Ils savaient tous qu'ils pouvaient combattre, mais que ce serait le résultat de ce combat qui déterminerait la fin de cette bataille.

Frigan attaqua le premier. Avec le vent. Il voulait le provoquer ?... Très bien. Hua Mei y répondit, y mêlant puissance et grâce. Il connaissait le vent. Il connaissait cet élément depuis longtemps, il le maîtrisait depuis son plus jeune âge... l'eau, aussi. Il n'y avait que la terre et le feu où Frigan pourrait rivaliser avec lui. Mais il était bien jeune, bien inexpérimenté...
Une tornade renversa la légère brise invoquée par le prince des démons, et le fit voler contre le dôme. Pauvre Frigan... le vent le maintint ainsi quelques instants, puis sa force s'évanouit.

- Alors tu en feras une autre.

La terre trembla ; Hua Mei sortit ses ailes, et s'envola. Le feu s'approcha de lui cependant, mais il ne s'en soucia pas, et une vague percuta l'offensive. L'eau s'évapora premièrement, puis, le feu commença à mourir. A s'éteindre. Et le torrent l'engloutit finalement, pour finir par remplir tout le dôme.
Son épée blanche à la main, Hua Mei se rapprocha de Frigan, et tenta de lui asséner un coup à la taille. Frigan para, mais le chef des anges enchaîna : une bourrasque fit en sorte de paralyser le démon, un torrent l'attaqua. Des liens de terre le couvrirent, et le feu chatouillait ses membres... les quatre éléments, par la main de Hua Mei, se déchaînait.

- Neige...

L'épée réagit à l'appel de son nom. Elle s'éveilla doucement, s'illuminant d'une lueur qui reflétait celle du soleil. En plus blanc, sans doute. La lame absorba le pouvoir de l'eau et de l'air à la fois ; un froid des plus glacials l'envahit.
Le chef des anges visa le coeur. Un seul assaut.

Un combat, comme c'est risible ! Tout peut se dérouler en une fraction de seconde. Un assaut ; un mauvais mouvement ; la lame qui s'immisce, perverse, dans vos entrailles, et c'est la fin.
Serait-ce le cas de Frigan ?

En voyant Hua Mei s’envoler pour échapper à la terre qui se mouvait sous lui, Frigan grimaça. Il avait sous-estimé son ennemi. Celui-ci était loin d’être stupide et le démon l’avait quelque peu oublié dans sa rage de vaincre … Il le laissa tout d’abord prendre de la hauteur puis s’empressa de la rejoindre lorsque l’eau commença à emplir tout l’espace disponible, menaçant de l’engloutir. Il n’y avait pas à dire, cet élément n’était vraiment pas le préféré du jeune Seigneur …

Voyant que son adversaire n’avait nullement l’intention de l’aider à soutenir ce dôme d’énergie pourtant si beau, dans les tons bleutés mais légèrement transparent avec un jenesaisquoi de féerique et prenant soudain conscience qu’il aurait besoin de la moindre parcelle de son énergie disponible, Frigan retira d’un coup son pouvoir et l’écran s’éparpilla en une nuée d’étincelles azurs. Si quelqu’un avait fixé autre chose que les deux combattants qui, tels des danseurs, se tournaient plus ou moins élégamment autour, il aurait trouvé cela très joli.

.Frigan serra les dents lorsqu’il reçut, de plein fouet, l’attaque des quatre éléments. Aidé par le pouvoir récemment reçu de son père, il se débarrassa rapidement du feu et de la terre mais l’air lui fouettait le visage et l’eau l’aveuglait.
Le démon eut un sourire sarcastique en entendant le nom de l’épée et ne put s’empêcher de penser qu’il avait hâte que la jolie neige blanche et pure se tâche de vermeil. Il ne compris sa terrible erreur qu’en sentant l’épée frôler son corps. Car c’était son propre sang qui allait venir rougir l’arme. Instinctivement, son glaive était apparu dans sa main, sa transparence rivalisant de beauté avec la blancheur de celle de l’ange et il avait paré l’attaque mais il ne devait la vie sauve qu’à ses réflexes …
Il passa sa main devant son visage, se protégeant les yeux, juste à tant pour voir l’ange jaillir, à travers la cascade d’éléments, vers lui, l’épée brandit sur son cœur.
Sans prendre le temps de réfléchir, Frigan se laissa tomber comme une pierre au sol, fermant ses longues ailes noires, faites d’écailles et de peau, bien différentes de celles de l’ange. A vrai dire, le démon n’aimait que moyennement s’en servir, se sentant bien plus à l’aise sur le sol qu’en l’air mais, pour faire face à un Ange, il n’avait pas vraiment le choix et il regrettait alors d’avoir trop souvent profité du confort de son dragon.
L’attaque rata de peu et il sentit la lame râper le haut de son crâne. Il atterrit souplement au sol, les genoux fléchit et porta la main à son crâne. Sentir le liquide chaud et poisseux sous des doigts agit comme un électrochoc.
Il roula à terre pour se dégager de la portée de l’ange et se releva, fixant les hauteurs.

L’eau coulait autour de lui, emportée par le vent et il sentait que son ennemi le tournait en bourrique.
La colère l’envahit et il sentit les flammes naître dans ses yeux. La chaleur de son corps s’éleva et, bientôt, l’eau se changea en vapeur au contact de sa peau, lui permettant, enfin, d’y voir quelque chose.
Voyant que le feu n’avait rien donné, Frigan fit jaillir des entrailles de la terre des blocs de roches vers l’ange tandis que, du plafond, des plaques se détachait pour broyer le corps. Un déluge de pierre et de poussière s’abattit sur son ennemi et, le vent empirant la situation, les deux adversaires se perdirent alors de vue.
Le glaive avait pris la couleur de l’ébène et la poignée fumait dans sa main.
Se guidant à l’aura, il s’éleva de terre et se fraya un chemin à travers les pierres, son pouvoir le protégeant.
A peine eut-il Hua Mei dans son champ de vision qu’il envoya toute sa puissance dévastatrice sur lui. Les flammes jaillirent, tellement chaudes qu’elles paraissaient juste bleutées tandis que, à leur contact, les pierres se transformaient en projectiles incandescent.
Frigan fonça sur l’ange, lança une attaque violente vers son cou puis s’éloigna et se posa au sol, sans chercher à savoir s’il l’avait touché ou non.
Il avait le souffle court et son cœur battait la chamade.
Pire. Il s’épuisait. En un combat au corps à corps, il aurait toutes ses chances, sa carrure étant beaucoup plus musclée et plus puissante que celle de l’ange. Mais il comprit que, dans le domaine de la magie, jamais il ne battrait Hua Mei. Il avait cru que la puissance de son père pourrait y parvenir mais, lui, ne pouvait supporter une si grosse pression. Il avait déjà tout donné et, à ce rythme-là, il ne tiendrait pas longtemps.

Inquiet, il releva les yeux. Les pierres retombaient au sol en un bruit sourd mais plus aucune ne remontait vers le haut portée par la magie de l’ancien Prince.
Ses jointures blanchirent sur la poignée du glaive qu’il avait saisit à deux mains. Ses pieds étaient fermement ancrés dans la poussière et, malgré la peur, son regard était calme et déterminé.
S’il devait mourir, au moins, le ferait-il la tête haute …

Frigan esquiva de peu l'attaque - la lame lui érafla le haut du crâne. Non, ce n'était pas encore terminé... malheureusement.
La lame rougie de Neige obscurcissait sa pureté. Hua Mei lava l'épée d'un mince filet d'eau, alors que les pointes effilées de la terre se rapprochait dangereusement.
Mais elle se rétractèrent, et reculèrent, même, de quelques mètres. L'avantage d'un tel pouvoir, c'était que Frigan avait juste donné ordre à la terre de prendre cette forme ; il ne la contrôlait pas tout le temps. Il avait suffi à Hua Mei de donner un ordre contraire à la terre pour qu'elle s'arrêtât.
Il regarda la terre venir d'en bas, lévitant dangereusement. Puis, il regarda le chef des Démons. Il s'épuisait. On voyait, de loin, la sueur accumulée sur son front...
Il n'était pas habitué à la magie. Et ne connaissait pas bien la théorie, non plus... à peine la pratique.
Déplacer une telle masse de terre... c'était un pouvoir très brut, alors que la terre était un pouvoir défensif. Le feu était en revanche très offensif ; il aurait du attaquer avec... ces rochers, ils étaient faciles à esquiver, contrairement à un feu violent.
Mais Frigan, pendant ce temps, fila droit vers lui. Hua Mei ne fut pas sans le voir, et se protégea. Il allait utiliser le feu ?... Et vu comme il se rapprochait, tenter également une attaque au corps à corps.
L'eau ne serait pas suffisante pour le contenir. Ni le vent. Alors...

Une légère brise effleura la peau nue de Frigan. Très légère brise, qui contenait à peine quelques particules d'eau...
Un froid violent, une morsure subite, le prit à sa peau, et à l'essence même du feu. Un froid en fait si glacial qu'il annihilait toutes sensations.
Mais le feu n'était pas pourtant entièrement éteint : il était si brûlant... Frigan y mettait toute son énergie. Comme un dernier assaut.
Hua Mei devia quelques projectiles incandescents, et son épée en frappait quelques-uns, parfois. Un pan de terre du plafond tomba, soudainement, et se retrouva aussitôt brûlé par le feu. Brûlé, et très condensé. Normal... la terre en brûlant se durcissait...
Le chef des anges aussi se fatiguait. Le combat était intense, comme jamais combat ne l'avait été. Mais il devait vaincre... il le devait, c'était d'une première nécessité pour eux, anges !
Il vit l'attaque. Elle était rapide... il n'eut pas le temps d'utiliser son pouvoir, juste de l'esquiver. Ou plutôt, de le tenter, car la lame frôla dangereusement son cou - quelques gouttes de sang coulèrent.
Le chef des anges porta une main à son cou. Une aura bienfaisante se diffusa sur son corps, et guérit l'égratinure.
Ce ne serait pas cela qui l'arrêterait.

Frigan n'en pouvait plus. Il avait déjà perdu, autant physiquement que dans son esprit. Il n'avait plus de volonté... juste la volonté de bien mourir.

- C'est fini... adieu.

Une seconde après que le mot fut prononcé, une cage de terre emprisonna Frigan, et de l'eau commença à vouloir le noyer...

Un tremblement. Hua Mei n'y prêta pas attention, ne s'en rendant même pas compte. Il y eut juste un petit dérapage au niveau de sa maîtrise sur la terre...
Encore un. Plus violent. Il le ressentit celui-ci, mais n'en tint pas compte... c'était bientôt fini, là... il devait l'achever, maintenant, ou jamais !
Puis, ce fut une succession d'événements. Ou plutôt, de tremblements. La terre se mit à bouger, comme un être vivant... Elle zigzaguait, elle tremblait sans cesse.
Le plafond s'effondra. Les issues se bloquèrent, toutes.
Noir complet.

Hua Mei ne pouvait plus qu'entendre. Il venait d'être frappé par un débris... il ne voyait rien. Simplement à cause du manque de lumière...
Il décida d'utiliser de son pouvoir de feu. Il devait achever Frigan, et vite !
Il se concentra, et rien ne se passa. Il reessaya, sans succès...
Anxiété. Il resserra sa prise dans sa main droite, se rendant compte qu'il ne tenait plus rien.
Neige. Où était Neige ? Elle ne pouvait pas être loin.
Un tintement métallique, comme celui d'une épée que l'on envoie, par un coup de pied, au loin, l'avertit du danger.
Il n'eut le temps de rien faire. Juste de lever les yeux, et de ne voir que du noir. Juste de sentir qu'il était là.
Juste de savoir qu'il avait été vaincu.

Frigan sentit une sueur froide lui dégouliner sur l’échine et il frissonna. Ses cheveux, un peu longs, collaient sur son front et une sorte de nausée le prenait au ventre. Il ne voulait pas mourir. Il ne DEVAIT pas mourir !
Hua s’était joué facilement de presque toutes ses attaques et, par dessus le marché s'était soigné, chose que Frigan n’aurait jamais pensée à faire et qu’il n’avait jamais apprise. Il mesurait à présent l’ampleur de son manque cruel d’expérience et de sa surestimation.
Il réagit à peine lorsque la gangue de terre se referma sur lui. Il eut vainement le réflexe de se dire que c’était un élément qu’il contrôlait normalement plutôt bien et quelques fissures vinrent fendiller la cage. Mais l’Ange avait prévu le coup et la terre semblait se déformer à loisir pour repousser les faibles attaques du démons qui fut d’ailleurs contraints d’arrêter quand il sentit l’eau lécher ses pieds. Celle-ci monta rapidement, trop rapidement à son goût. Elle lécha bientôt son torse puis glaça sa nuque.
C’est à cet instant que débutèrent les premières secousses mais les pieds de Frigan ne touchaient déjà plus le sol et il était bien trop occupé à se débattre pour le remarquer. Il sentit avec panique le plafond de sa prison contre le haut de son crâne et l’eau qui lui arrivait à présent aux lèvres. Il poussa un grognement et il crut que ce serait son dernier.
Puis, soudain, plus rien. La cage se brisa et Frigan tomba lourdement sur le sol qui trembla dans un grondement sourd. Le démon se roula en boule et avala goulûment une bouffé d’air. La peur noyait encore ses entrailles mais c’était fini : il avait survécu. Restait à savoir si … Il ouvrit finalement les yeux mais tout était noir. Heureusement pour lui, les démons sont connus pour avoir une vision nocturne plus ou moins développée. Sans rien voir précisément, il distinguait le contour des formes qui se dressaient devant lui.
Apparemment, un pan de la grotte s’était effondré. Il essaya un instant de s’éclairer d’une flamme car il ne parvenait pas à distinguer l’Ange mais, étrangement, rien ne se produisit. Le jeune Seigneur mit tout d’abord cela sur le compte de l’épuisement mais il ne ressentait plus aucune aura ni aucune effluve d’énergie. Il fronça les sourcils puis, conscient de la douleur, relâcha la pression de sa main sur son arme. Il avait serré la poignée si fort qu’il était presque sûr que celle-ci était incrustée dans sa paume.
Il fit quelque pas, posa le pied sur une surface longue et étroite, dure comme … du métal. Il se pencha, tâta légèrement le sol, se coupa la main, comprit ce que c’était … Etrangement, le fait de ne plus sentir de magie autour de lui l’avait rassuré et il se sentait plus en forme que quelques secondes plus tôt. Comme si l’espoir de vaincre lui redonnait du courage. Car Hua Mei était un peu plus frêle que lui … Et aussi … Il sourit. Sans sa précieuse épée, l’Ange ne serrait pas aussi efficace …
D’un coup de pied, il envoya valser l’arme et entendit avec bonheur le tintement du métal qui rebondissait au fond d’une crevasse.
Un sourire aux lèvres, Frigan sut qu’il avait gagné et c’est d’un pas conquérant qu’il s’approcha du corps allongé qu’il distinguait à présent sur le sol. Un frémissement, la silhouette avait bougé. Il avait sentit sa présence. Dans un sifflement gai, Frigan posa la pointe de son glaive sur le cou de l’Ange.

« Ça fait quoi d’être à terre ? ! »

Sa voix était rieuse, presque moqueuse. Il était encore à l’âge où le tempérament vous rend insolent et prompt à oublier vos erreurs.
Il promena lentement sa lame du cou de l’Ange jusqu’à son torse.
Mais, bien sûr, il ne s’était pas attendu à ce que l’Ange se rebelle … Aussi fut-il surpris lorsqu’il sentit son corps se glisser sous la lame, s’écarter et bondir sur lui. Il n’eut que le temps de faire un écart avant de se prendre Hua Mei de plein fouet. Le glaive teinta joliment sur la pierre en tombant mais Frigan ne s’en aperçut pas. Il saisit les poignets de l’Ange et tomba sur lui pour le contrôler et le maintenir au sol.
Ses vêtements avaient été trempés par sa baignade forcée et lui collaient au corps. Par capillarité, ils mouillaient également ceux de l’Ange et il sentait confusément la forme de son corps sous le sien et la chaleur de sa peau à travers les tissus humides.
Pour empêcher l’Ange de bouger, il avait dû s’allonger sur lui, lui maintenant les jambes avec les siennes, ses mains rivées à ses poignets, son torse appuyé contre le sien.
Et il sentait son souffle chaud sur sa joue …
Des sentiments contradictoires envahissaient son esprit et il se sentait irrésistiblement attiré par cet être qui le dégoûtait en même temps. Cette présence, ce contact … Et, en même temps, cette pureté et cette manie horrible de le mettre hors de lui. Frigan resserra sa prise sur l’Ange comme pour lui briser le corps, comme pour entacher sa beauté insaisissable. Son corps était tendu à l’extrême et le démon sentait un désir malsain monter en lui.
Ses pensées s’affolaient sous son crâne tandis que son visage se rapprochait de celui de l’Ange. Comment peut-on avoir envie de l’être que l’on méprise par dessus tout ? !
Cette répulsion mêlée d’attirance résonnait au plus profond de son âme et il sentait ses lèvres effleurer la peau de l’Ange puis glisser doucement vers sa bouche.
Le contact de ses lèvres était beaucoup plus doux qu’il ne l’avait imaginé. Son cerveau lui hurlait de s’arrêter mais il avait l’impression que son corps ne l’écoutait déjà plus … Sa langue passa doucement la barrière des lèvres de Hua Mei et il ne sut précisément lequel des deux avaient gémi à ce contact.
Il n’en était pas à son premier baiser mais celui-ci avait le goût particulier de l’interdit.
Soudain, ce fut comme si ses pensées reprenaient le contrôler et il sentit l’écœurement le saisir. Il s’écarta précipitamment de l’Ange, les lèvres en feu, la tête embrumée.
Comment avait-il pu ? !
Les idées s’entrechoquaient dans son esprit et il resta un moment interdit, à un pas de son adversaire, le cœur battant la chamade, le souffle court.
Dans un sursaut de lucidité, il attrapa son arme et coinça la lame contre le cou de Hua Mei, appuyant le plat du glaive contre la peau claire, une main maintenant la poignée et l’autre le bout de l’arme.
Il était à moitié assis sur lui et sentait qu’il aurait dû lancer une bravade pour dissiper son malaise mais, étrangement, il n’arrivait pas à prononcer une seule parole et seule sa respiration haletante envahissait l’air.
Il avait envie de prononcer des paroles blessantes telles que « Qu’est-ce que ça te ferait, Ô être pur, de te faire violer par le plus démoniaque des démons ? ! » mais, confusément, il savait que sa voix ne pourrait s’empêcher de trembler et que le plaisir qu’il retirerait de cet acte n’aurait rien à voir avec le goût savoureux de la victoire et de l’humiliation.
Non. Il avait envie de Hua Mei mais pas dans ces conditions. Et cette pensée pesait comme une pierre au creux de son ventre.

Frigan s'approchait, d'un pas horriblement mesuré. Ni rapide, ni lent. Il s'avançait tranquillement, savourant déjà sa victoire.
Terrifié, Hua Mei ne songea même pas à bouger. Pourquoi faire ? Au final, il aurait gagné. Cette dernière attaque magique l'avait épuisé, et Frigan était plus fort que lui physiquement. Il n'avait même pas son épée, alors que lui... il sentit la froideur du métal se poser contre son cou. Juste à l'endroit où les artères ressortaient le plus... Hua Mei ne bougea pas, stupéfié. Sans doute valait-il mieux d'ailleurs qu'il ne bougeât pas...
La voix de Frigan prit un ton moqueur, presque insultant, et trop confiant de lui-même. Être à terre ?...
Hua Mei ne réfléchit même pas à la question, et déjà la lame se baladait... quittait son corps...
Quelques instants lui suffirent pour porter un coup à Frigan : le sachant près de lui, il lui prit le poignet, cherchant à faire tomber l'épée - qui tomba -, et son poing voltigea jusque dans les abdominaux du démon. Encore une erreur... le Seigneur des Démons avait bien trop confiance en lui-même, et c'était son plus grand point faible. Dommage qu'il ne s'en fût aperçu qu'à présent... C'était trop tard.
Le coup qu'il lui avait porté n'eut quasiment aucun impact : reprenant le dessus, sa main se libéra, pour tout de suite reprendre ses poignets. Il le fit basculer sur le dos, et ils tombèrent tout deux.
L'humidité de ses vêtements, Hua Mei la sentait à peine. Il ressentait plutôt des brûlures immenses à chaque endroit que Frigan touchait. Un démon, un si sale démon. Ses poignets étaient en feu, autant par la prise lourde de son ennemi que par la présence de sa peau maléfique. Il sentait presque le visage au-dessus de lui, bien qu'il ne le vît pas. Il sentait presque l'odeur âcre du Seigneur des Démons.
La prise sur ses poignets s'affermit, et la sensation de brûlure crût avec elle. Mais Hua Mei ne disait toujours rien. Souffrir en silence, ne rien dire à son ennemi... Surtout à CET ennemi.
Quelque chose de dur - ou de doux ? - frôla sa peau, éveillant l'anxiété de l'ange. Qu'est-ce que ?... Frigan avait déjà les deux mains prises. Et cette sensation qui remontait jusqu'à son cou, son visage... les cheveux de Frigan qui chatouillaient sa nuque...
Non, ça ne pouvait être... il voulut parler, lui dire d'arrêter, mais les lèvres du démon stoppa le mouvement de sa bouche.
Hua Mei resta interdit. Il ne pensa même pas à ce qui se faisait là, trop stupéfié pour. Il sentit sa langue sale s'immiscer en lui, violant l'entrée de ses lèvres, qui à présent le brûlaient autant que ses poignets, si ce n'était plus...
Le baiser se rompit soudainement, délivrant Hua Mei de l'emprise maléfique du démon - mais pas de sa propre stupeur. Frigan eut le bon réflexe de reprendre son arme et d'en menaçer le chef des angs, mais le réflexe était inutile : Hua Mei prenait à peine conscience de ce que le démon avait osé lui faire...
Il haletait, le souffle court encore du baiser. Et pourtant, il était encore indifférent. Le choc avait, à vrai dire, été trop grand pour que rien ne se brisât en lui. Ce qui s'était ici brisé, c'était sa conscience, sa volonté peut-être, qu'il recouvrait lentement...
Il regarda Frigan - bien qu'il ne le voyait pas, il savait qu'il était là, que ses yeux regardaient les siens.

- Tu...

Enfin une parole. Tu. Les lecteurs attentifs auront remarqué qu'Hua Mei tutoyait Frigan. A cela, nous pourrions dire que la raison en est qu'il considère Frigan comme ce qu'il est : un adolescent, un adolescent bien présomptueux...

- Es...

Être. Il qualifiait donc Frigan ; n'attendons pas d'Hua Mei qu'il le complimente :

- Pire...

Une comparaison, donc ; mais avec qui ? Pour Hua Mei, Frigan était déjà parmi les pires ; qui avait pu, avant cela, être encore "pire" que le Seigneur des Démons pour le Chef des Anges ?

- Que...

Sa respiration ne s'était toujours pas calmée. Ses mots étaient dits d'un ton dégoûtés, à une vitesse à peine rapide.

- Ton...

Ton ? Etait-ce donc quelque chose qui appartenait à Frigan ? Ou bien...

- Père.

Et Hua Mei se tut. Jamais plus il ne pourrait de son gré prononcer un mot en présence de Frigan maintenant. Non, plus jamais.
Plus jamais...

Un silence pesant avait envahit l’endroit et Frigan entendait la respiration de l’Ange, si proche … Il commençait à ressentir une impression désagréable sur les parties de son corps qui avait touchées celles, trop pures, de Hua Mei mais il est bien connu que les démons sont capables de déchoir un Ange alors que le reste est bien plus difficile … Aussi cette sensation était juste désagréable et n’avait rien à voir avec la brûlure qu’il savait avoir occasionnée à son ennemi.
Encore plus fort que son propre dégoût, il sentait celui de Hua qui semblait n’avoir même plus la force de le repousser.
Il fixa, à travers l’obscurité, son regard dans le sien et ne put s’en détacher tant son intensité était frappante.
Les mots jaillirent alors, faibles, lents mais si marquants.
Un instant, Frigan ne sut comment réagir. Un masque d’étonnement se peignit sur son visage et une rage sourde ainsi qu’une boule de douleur s’infiltrèrent au creux de ses entrailles. NON ! Il ne devait surtout pas y penser … PAS A LUI ! PAS A MAINTENANT ! C’était ce que recherchait l’Ange … Il ne pouvait pas, non, il ne pouvait pas être pire que son père, non … Lucifer était si …
Puis, un voile se déchira dans l’esprit de Frigan et un éclat de rire malveillant envahit l’espace, résonnant sur les parois de pierre.
Quand il répondit, sa voix était moqueuse, presque joyeuse.

« Pire que mon père ? ! Ô très cher Ange de mon cœur … Tu ne saurais me faire plus plaisir ! »

Il repensa à sa discussion avec Levana, à la faiblesse de son père, au chaos qui avait envahit son monde. Mais pas un chaos comme il les appréciait, non, une remise en cause du pouvoir démoniaque, chose hautement inacceptable.

Cette fois-ci, sa voix était dure, cassante.

« Mon père était un faible, un lâche. La preuve, il n’a jamais osé t’approcher ! Je suis peut-être encore jeune et inexpérimenté. Mais je ne serais JAMAIS comme lui. Alors oui. J’espère être bien pire que lui ! J’espère que le sang des Anges va couler jusqu’à ce que les seuls qui restent soient mes esclaves. »

Ce disant, il appuya un peu plus sa lame sur le cou de l’Ange et il eut le plaisir de voir perler quelques gouttes de sang. Le désir charnel qu’il avait ressentit plus tôt avait perdu un peu de son intensité mais il se jura qu’un jour, il aurait Hua Mei pour lui seul et qu’aucune arrière pensée ne l’arrêterait !
Posant ses lèvres dans le cou de l’Ange, il décala légèrement son arme et lécha la peau douce de son adversaire, avalant son sang. Celui-ci avait le goût détestable de la pureté et brûlait légèrement la gorge du démon mais, bon sang ce que c’était bon ! Sa langue effleura la lame et il sentit que leurs deux sangs se mêlaient. A cet instant, plus rien d’autre n’existait que l’envie d’entendre l’Ange hurler de douleur à ce contact. Malheureusement, Frigan se doutait bien qu’il ne lui ferait pas ce plaisir …
Remontant doucement, il inspira l’odeur particulière des cheveux fins de l’Ange et eut un demi-sourire narquois. La voix suave qui s’échappa n’était qu’un murmure et Hua pouvait sentir le souffle chaud du démon contre son oreille.

« Nous voilà à présent frères de sang. »

Si l’ancien Frigan, celui de l’époque où il s’amusait avec Kira, avait repris surface à ce moment-là, il serait sûrement mort de peur. Le nouveau Frigan changeait d’humeur et d’attitude avec un flegme étonnant et semblait n’avoir aucun point d’ancrage fixe. Il réagissait comme un gamin capricieux, suivant toujours son idée du moment, sans se soucier des conséquences. Le sentiment de honte qui l’avait envahit avait entièrement disparu au profit d’une émotion, plus noire encore.
Finalement, sa rencontre avec Hua Mei avait aussi brisé quelque chose en lui. Mais, à la différence de l’Ange, cette chose représentait le dernier verrou à sa folie. L’odeur et le goût du sang le faisait souffrir et, en même temps, l’envoûtait comme une drogue dont il ne pourrait plus jamais se passer.
Les belles idées défendues avec la belle démone du feu semblait avoir volé en fumée mais, à cet instant, Frigan ne pensait absolument pas aux conséquences de ses actes. Une nouvelle forme de puissance et de confiance s’était emparé de lui et un instinct sanglant et meurtrier avait envahit ses pensées.

« Je vais vous déchoir, tous autant que vous êtes. Et tu seras le dernier. Pour voir souffrir et disparaître tous les tiens avant que je ne m’occupe PERSONNELLEMENT de ton cas … »

Une pensée effleura alors l’esprit du Seigneur et son sourire s’élargit. Le plaisir d'avoir l'impression de jouer avec une proie était plus fort que tout autre sentiment.

« En attendant, mon bel oiseau, je vais faire en sorte que tu ne sois plus en état d’attaquer personne pendant un bon bout de temps … »

Joignant le geste à la parole, il détacha l’épée du cou de l’Ange et, se relevant, posa son pied sur son torse pour le maintenir à terre. L’arme s'abaissa.
Le liquide vermeil jaillit...

Il avait cru ne plus jamais rien dire en présence de Frigan.
Il s'était trompé.
Frigan avait commencé par lui répondre... il était fou. Comme chaque démon, comme son père, plus encore peut-être...
Hua Mei frissonna à l'évocation "très cher Ange de mon coeur." Il échappa au regard du démon, posant sa face contre le sol, déageant de profil un visage d'une grande beauté. D'une pure beauté, plus précisément.
Ainsi, il dévoilait la peau blanche de son cou. Il était toujours retenu en dessous de Frigan, la salle baignée dans une obscurité totale - du moins pour lui -, et il ne pouvait pas s'échapper.
C'était sans espoir...
Le métal vint se glisser sur la peau nue de l'ange, provoquant des frissons de froid autant que d'appréhension.
Avec la plus grande délicatesse que Frigan pouvait montrer, il appuya la lame, faisant jaillir quelques gouttes de sang.
Hua Mei savait que ce n'était pas une menace. Il faisait cela juste parce qu'il en avait envie... simplement. Ce n'était qu'un démon, après tout... Un être plus qu'impur : maléfique, malsain.
Une vive brûlure, semblable à celle que provoquait la prise de Frigan sur ses mains, surgit soudainement sur son cou.
Ce ne fut que lorsque brûlure passa sur son sang qu'il parvint à identifier cette brûlure comme due à la langue sale du démon.
Quelques gouttes du sang démoniaque, coupure de la langue sur la lame, tombèrent dans la plaie.
Hua Mei eut froid.
Hua Mei eut chaud.
Tout était douleur. Est-ce qu'il poussait un cri ? Il n'entendait pas. Il ne savait pas. D'ailleurs, il ne réfléchissait plus. Tout son être était obsédé par cette vérité : tout est douleur.
Il lui semblait, qu'effectivement, il criait. Ou plutôt : il hurlait. D'un cri inhumain, ni angélique, et ni démoniaque. Ce n'était pas même le cri d'une bête. Ce n'était qu'un hurlement de pure souffrance, un hurlement semblable à celui d'une harpie.
Il y eut un silence. Mais l'hurlement revint aussitôt. Hua Mei, inconsciemment, trouvait que cela l'apaisait. Cela détournait son attention de sa douleur.
Il se convulsionnait, essayant d'échapper plus à la douleur qu'à Frigan. Il voulait que ça cessât, juste que ça cessât... il ne pouvait plus supporter cette douleur, cette brûlure à l'intérieur même de son sang...
Enfin, il se tut, arrêta de se mouvoir. La douleur ne s'était pourtant pas arrêtée. Mais il était trop fatigué, peut-être, pour continuer d'hurler, trop fatigué pour ne pas croiser le regard du démon, trop fatigué pour ne pas l'entendre...

- Nous voilà à présent frères de sang.

La vérité se grava instanément, dans toute son horreur, en son esprit. Il ne voulait pas, il aurait pu accepter tout sauf ça, mais cela, c'était... c'était un lien vers ce monde démoniaque qu'il n'avait jamais cessé d'haïr. C'était une impureté sur le Chef des Anges.
C'était pire que les brûlures de son dos...
Il lui semblait que les brûlures étaient, cependant, atténuées, à l'endroit où Frigan le touchait.
Frères de sang...
Il ne put rien dire, trop occupé par l'horreur de la situation. Il avait pensé que Frigan ne pourrait pas trouver pire humiliation, pire torture, que ce baiser. Il avait eu tort.
Est-ce qu'il trouverait encore mieux ?... Il voulait penser que non, mais ses pensées étaient confuses, et en ce moment, il n'était sûr de rien.
Il y eut un moment de silence, troublé uniquement par la respiration saccadée d'Hua Mei. Le Chef des Anges craignait autant que Frigan parlât qu'il se tût.

- Je vais vous déchoir, tous autant que vous êtes. Et tu seras le dernier. Pour voir souffrir et disparaître tous les tiens avant que je ne m’occupe PERSONNELLEMENT de ton cas…

Le sens des palabres de Frigan vint après les mots, dans l'esprit d'Hua Mei. C'était comme un code qu'il devait déchiffrer.
Il sentit le poids du démon devenir plus léger. Le démon dit quelques mots à l'ange, qui ne les comprit pas.
Il n'avait plus maintenant en tête que les quatre premiers mots de Frigan. "Je vais vous déchoir."
Il avait cru ne plus jamais rien dire en présence de Frigan.
Il s'était trompé.
La voix claire, et cette fois assurée, avait un ton d'une totale conviction, qui tranchait avec les spasmes de son corps, annonça, sûre :

- Non, jamais.

Et il leva son bras, bloquant le coup du démon, sentant la lame s'immiscer dans sa chair, cognant son os.
Ses pieds fauchèrent, de toute la force dont Hua Mei était capable, les jambes de Frigan, et il se rugit sur lui, tenant à terre chaque poignet.

- JAMAIS.

Il ressentait comme de la colère. Et un grand désespoir.
Colère face à son impuissance autant que contre Frigan.
Et désespoir, car il savait que Frigan était plus fort que lui, et que cette position dominante ne durerait pas longtemps...

- Tu vas mourir ici. Même si cela équivaut à ma propre mort...

Des mots qu'il doutait de pouvoir réaliser en actes.
Le doute vint d'ailleurs se confirmer : il n'avait aucun moyen de le tuer. Pis encore : il ne pouvait faire mieux que d'immobiliser ses poignets et ses jambes, sans quoi Frigan aurait tout de suite repris l'avantage.
Ils étaient dans une impasse, et il se sentait faiblir, suite à ses blessures, à l'absence de magie, au sang démoniaque qui toujours le faisait se crisper de douleur, aux brûlures - plus faibles qu'avant cette transfusion forcée, mais toujours présentes- sur sa peau.
Alors, oui, il était en position dominante... mais pour combien de temps encore ?